Les entreprises acceptent de se mobiliser pour l'emploi des jeunes



Alain Juppé donne la priorité à la formation en alternance et à l'apprentissage. Les syndicats étudiants et le patronat se sont mis d'accord sur la création de stages diplômants raccourcis et placés sous le contrôle des enseignants.

A l'ouverture de la conférence sur l'emploi des jeunes, qui a réuni à l'hôtel Matignon, treize ministres et une soixantaine de représentants patronaux, étudiants, syndicalistes et élus, le diagnostic sur le chômage des moins de vingt-cinq ans était clair dans l'esprit de Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, et d'Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.

"Alain Juppé nous a demandé plusieurs fois, dans les coulisses de la négociation, combien les entreprises et les administrations recrutaient chaque année en France, raconte M. Barrot et Mme Couderc. Nous lui avons répondu que le chiffre des embauches s'élevait à environ 700.000, c'est-à-dire paradoxalement à peu près l'effectif d'une classe d'âge. Malheureusement, nous conservons un stock de 610.000 jeunes chômeurs, ce qui explique que les moins de vingt-cinq ans mettent huit mois en moyenne pour trouver un emploi. C'est ce délai qu'il convient de raccourcir. Nous avons constaté que 73% des jeunes en apprentissage sous contrat de travail trouvent un emploi dans les deux ans contre 55% pour ceux qui viennent du système scolaire. Une solution s'impose : la professionnalisation de la formation."

Les mesures arrêtées par la conférence, qui s'ouvrent donc sur les formations en alternance, sont les suivantes :

- Alternance. Les représentants patronaux se sont engagés sur un objectif de 400.000 jeunes en formation dans ces filières contre 330.000 aujourd'hui. Ce résultat sera obtenu notamment en portant à 230.000 le nombre des contrats d'apprentissage (+ 20% par rapport à 1996) et à 130.000 celui des contrats de qualification (+ 35%).

Le CNPF incitera les grandes entreprises à accueillir au minimum 2% de leur effectif en alternance dès 1997. En avril, il rendra public les objectifs chiffrés de cent cinquante grandes entreprises. Par ailleurs, le gouvernement rétablira la prime aux contrats de qualification pour 750 millions de francs.

Les régions augmenteront le nombre de places dans les centres de formation d'apprentis (CFA) de 15% et l'État y contribuera pour 70 millions de francs. Le ministère de l'éducation nationale, un peu réticent, promet qu'il ouvrira à la rentrée prochaine de petites sections d'apprentissage dans les lycées d'enseignement professionnel "à hauteur des places nécessaires pour atteindre les objectifs annoncés."

Le gouvernement fait sienne la proposition de loi du député Michel Jacquemin (UDF, Doubs) d'extension au secteur public des primes à l'apprentissage de façon à porter à 10.000 le nombre d'apprentis recrutés par les collectivités territoriales. A la demande de Marc Blondel, syndicats et patronat se réuniront pour définir une méthodologie sur la prospective des métiers et des qualifications par branche et par région.

- Première expérience professionnelle. Le stage diplômant, cher au CNPF, est rebaptisé "unité de première expérience professionnelle". Il verra le jour à la rentrée universitaire. Accessible aux étudiants volontaires, en licence et en maîtrise, ce stage en entreprise ou dans le secteur public sera intégré au cursus universitaire. D'une durée de quatre mois et demi au minimum, il fera l'objet d'une convention tripartite entre l'étudiant, l'entreprise et l'université. Il se déroulera sous le double tutorat de l'université et de l'entreprise et donnera lieu au versement d'une allocation de l'ordre de 1.800 francs exonérée de charges sociales. "La notation finale appartiendra à l'université seule", a précisé M. Juppé. Le patronat et les organisations étudiantes élaboreront une charte nationale des stages pour le mois d'avril.

Pour inciter les jeunes à s'expatrier et pour compenser la fin du service national, deux formules de stages professionnels sont créées pour offrir, dès cette année, une expérience à l'étranger à dix mille jeunes de dix-huit à trente ans : le contrat privé "Avenir international", d'une durée de dix-huit mois, s'accompagnera d'un volume accru d'heures de formation ; un contrat de droit public de seize à dix-huit mois s'inspirera de l'actuelle coopération du service national en entreprise (CSNE) dont le recrutement sera démocratisé afin qu'il ne soit plus réservé, selon le mot de Jacques Chirac, "aux fils d'archevêques".

- Déconcentration. Un fonds national pour l'emploi des jeunes financera les initiatives sur la base de contrats entre l'État, les collectivités locales, les organismes paritaires et consulaires. Ces fonds recevront 1 milliard de francs. M. Juppé réunira les préfets pour les mobiliser. La liste des opérations à soutenir sous le label "opération jeunes" devra être arrêtée pour le 1er juillet. Les crédits d'aide à l'emploi seront totalement déconcentrés dans six régions expérimentales (Auvergne, Bretagne, Limousin, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes). Cette mesure représente 8 des 35 milliards de francs affectés à l'insertion (CES, CIE, stages d'insertion, emplois de ville, emplois consolidés). Les préfets pourront librement ventiler les crédits en fonction des besoins locaux.

- Jeunes chômeurs de longue durée. Les cent mille jeunes au chômage depuis plus d'un an seront reçus entre les mois de mars et de septembre par l'ANPE et le réseau local d'insertion, afin de se voir proposer une orientation, des emplois dans les secteurs marchands ou non marchands ou des stages de formation professionnelle.

- Des embauches réservées. Les entreprises ayant recours aux dispositifs d'aide à l'emploi devront respecter dans leurs embauches une proportion de jeunes. Celle-ci sera de deux tiers pour l'usage de la loi Robien sur la réduction du temps de travail.

(A. Faujas, Le Monde, 1997)

Commentaires : - CNPF - Conseil national du patronat français.

- ANPE - Agence nationale pour l'emploi.

- APEC - Association nationale pour l'emploi des cadres.

Texte 3

Début de réconciliation entre l'université et l'entreprise

La conférence nationale pour l'emploi des jeunes marque-t-elle une nouvelle étape dans le rapprochement entre le système éducatif et l'entreprise ? A l'issue de la réunion, Jean Gandois, le président du CNPF, en était convaincu. Au moins "on s'est bien expliqué", a-t-il indiqué en commentant la fin du feuilleton des "stages diplômants". Bien qu'aucun calendrier n'ait été fixé, la discussion n'est pourtant pas close. D'ici au mois d'avril, les patrons devraient avancer des propositions sur le nombre de stages qu'ils entendent ouvrir aux étudiants de deuxième cycle. D'ici là également, il reste à négocier les éléments d'une charte - un engagement déontologique - destinée à limiter les abus.

Satisfaction des étudiants

Les syndicats d'étudiants, de leur côté, éprouvaient un double motif de satisfaction. Pour la première fois, ils ont été conviés par le gouvernement à la table de discussions, parmi les partenaires sociaux, entre le CNPF et les confédérations de salariés. Alors que ni les enseignants, ni les présidents d'université n'étaient invités, ils ont bénéficié d'une marque de reconnaissance qui leur a permis de s'exprimer.

La seconde raison de leur contentement porte sur le contenu des mesures annoncées. Certes, ils rejoignent le constat des syndicats de salariés sur l'absence de mesures directes pour l'emploi. Même "s'il n'y a pas eu de réponse à la hauteur des exigences, on l'a échappé belle", remarquait Marie-Pierre Vieu, présidente de l'UNEF, satisfaite "d'avoir fait reculer le CNPF", avant que Pouria Amirshahi, président de l'UNEF-ID, ne renchérisse : "Le pire a été évité." La crainte d'un "CIP bis" "au rabais" ayant été écartée, ces deux organisations considèrent avoir remporté "une victoire". Ils ont réussi à imposer un "cadre minimum", qui restreint considérablement la portée des ambitions affichées par le CNPF en décembre 1996.

La mise en place de l'unité de première expérience professionnelle, qui s'ajoute à la panoplie des stages traditionnels et aux formations en alternance, devrait bousculer les habitudes. Les responsables de formations professionnalisées (BTS,IUT, IUP, écoles d'ingénieurs...) sont certes habitués à traiter avec les entreprises. Il n'en est pas de même pour les doyens de faculté des filières générales, de lettres ou de droit, qui seront en première ligne pour trouver des places en faveur de leurs étudiants et valider cette unité dans la délivrance des diplômes.

Symboliquement, la mesure est importante. Bien que de portée limitée dans un premier temps, elle conforte l'entrée des milieux professionnels à l'université. Le CNPF ne l'a d'ailleurs pas caché. Il mise sur un premier bilan en 1998 pour revoir l'ensemble des stages actuels.

Cette négociation devra s'engager avec l'ensemble du système éducatif et notamment les enseignants. Sur ce point, l'éviction de leurs représentants à la conférence explique la virulence des réactions de la FEN et de la FSU, qui entendent être associées dans les négociations avec les employeurs sur le contenu des formations comme sur la reconnaissance des diplômes.

(Michel Delberghe, Le Monde, 1997)

Commentaires : - UNEF - Union nationale des étudiants de France.

- FEN - Fédération de l'éducation nationale.

- FSU - Fédération des syndicats universitaires.

I.2. Répondez aux questions de la page 68.


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