Les caracteristiques d'une demarche specifique



 

A) Une demarche particulierement volontaire

 

La France a decide d'adopter une demarche particulierement volontaire dans la mise en oeuvre de l'administration numerique. Cette orientation s'imposait d'autant plus que la France est entree avec un certain retard dans le processus de l'administration electronique. En effet, le fait d'encourager l'utilisation du minitel n'a pas ete de nature a inciter au developpement d'Internet. Or, celui-ci constitue un outil indispensable au developpement de l'administration electronique.

Pour rattraper son retard par rapport aux autres pays europeens comme la Suede ou l'Espagne, l'Etat a mene une politique interventionniste assez active a partir du milieu des annees 1990, d'une part envers ses propres services, mais d'autre part, egalement a destination des collectivites territoriales.

Les premices de cette revolution debutent en 1996 par l'adoption de deux circulaires qui avaient pour objectif d'equiper les services de l'Etat de ces nouveaux reseaux de telecommunication. La premiere circulaire institue la racine commune "gouv.fr" alors que la seconde traite plus precisement de la problematique des technologies de l'information et des telecommunications dans le cadre de la modernisation de l'Etat.

Cependant, la prise de conscience de la necessite de faire beneficier l'administration des technologies de l'information et de la communication resulte en realite du discours de Lionel Jospin, le 25 aout 1997 lors de l'Universite de la communication d'Hourtin. Les orientations definies par le premier ministre d'alors deboucheront sur la mise en oeuvre entre 1998 et 2002 du Programme d'action gouvernementale pour la societe de l'information (PAGSI) dont l'objectif est de preparer l'entree de la France a la societe de l'information. A ce titre, il prevoit, s'agissant de l'administration electronique, la generalisation des sites Internet publics et l'acces aux formulaires administratifs en ligne. Dans ce cadre, l'Etat a mis en ligne dans un premier temps, les textes legislatifs et reglementaires, puis a ouvert en 2000 un portail de l'administration francaise avant de permettre aux contribuables de declarer leur impot sur le revenu en ligne pour la premiere fois en 2001.

En novembre 2002, le gouvernement Raffarin presente un nouveau programme intitule "Pour une REpublique numerique dans la SOciete de l'Information (RE/SO 2007)" destine a donner une nouvelle envergure a la societe de l'information en France en favorisant le deploiement des infrastructures et des usages Internet et en developpant une deuxieme phase dans la reforme de l'administration electronique. Dans cette perspective, chaque ministere a ete invite a amorcer le processus de la dematerialisation des procedures administratives, en particulier celles qui sont les plus utilisees par les citoyens.

La creation en fevrier 2003 de l'Agence pour le developpement de l'administration electronique (ADAE) qui est une mission interministerielle rattachee aux services du Premier ministre avait pour objectif de mettre en oeuvre un nouveau programme gouvernemental appele ADELE 2004-2007 (acronyme d'Administration ELEctronique). Mis en oeuvre entre 2004 et 2007, le Programme gouvernemental ADELE comportait 140 mesures destinees a rapprocher les usagers des services publics grace au developpement de l'administration electronique pour simplifier les demarches administratives. Ce programme sera gere a partir de 2005 par la Direction generale de la modernisation de l'Etat (DGME) nouvellement creee.

Cette nouvelle direction va etre au coeur de la reussite du modele francais d'administration electronique puis numerique. A partir de cette date, cette reforme est envisagee comme un outil au service de la modernisation de l'Etat.

Les grands projets de dematerialisation de l'administration francaise sont lances a partir de 2004. Tel est le cas notamment des progiciels de gestion integres comme CHORUS et HELIOS dont l'objectif est de dematerialiser l'ensemble de la chaine de la depense pour l'Etat et pour les collectivites territoriales ou encore du programme ACTES qui vise a dematerialiser le controle de legalite, etant precise que cette dematerialisation porte chaque annee sur plus de huit millions d'actes echanges entre les collectivites territoriales et les services de l'Etat (deliberations, arretes, contrats, actes budgetaires...). La dematerialisation des marches publics est egalement rendue obligatoire a partir du 1er janvier 2005. Il faut noter que si ces differents projets sont portes par l'Etat, certaines collectivites territoriales decident egalement a la meme epoque se s'engager d'elles-memes dans la revolution numerique en modernisant leur gestion grace aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En ce sens, il est possible de citer, par exemple, la region Bourgogne qui, sur proposition du gouvernement en 2003, a accepte d'etre la premiere a developper une propre plate-forme regionale d'administration electronique. Operationnelle depuis le 1er janvier 2005, cette plate-forme qui initialement concernait uniquement les marches publics en ligne s'est depuis generalise a l'ensemble des services dematerialises fournis aux usagers par les organismes publics ou prives charges d'une mission de service public. Constitue sous la forme d'une association, puis transforme en 2008 sous la forme d'un groupement d'interet public (GIP), e-bourgogne a pour objectif de mutualiser les equipements informatiques pour favoriser le deploiement de l'administration electronique. Cette mutualisation doit permettre une rationalisation des couts. Par exemple, pour ce qui concerne la dematerialisation des marches publics qui rappelons-le est desormais obligatoire, un investissement d'un euro sur cette plate-forme genere une economie de trois a quatre euros par rapport a un investissement qui aurait ete realise a titre individuel par la collectivite. Depuis, d'autres regions comme la Bretagne, ont egalement developpe une plate-forme similaire, le statut juridique pouvant cependant etre different puisque dans le cas breton, il a ete decide de creer e-megalis en 2006 sous la forme d'un syndicat mixte.

Une nouvelle etape intervient en octobre 2008, l'objectif etant de faire basculer la France vers une administration numerique et non plus seulement electronique.

En octobre 2008, Eric Besson, alors Secretaire d'Etat charge de la prospective de l'evaluation des politiques publiques et du developpement de l'economie numerique, presente un plan "France numerique 2012" consistant a favoriser l'investissement dans l'economie numerique afin de repondre au ralentissement de la croissance et a permettre a la France de rejoindre les autres pays developpes qui ont compris l'interet de cette evolution. Il s'agit autrement dit de replacer la France parmi les grandes nations numeriques a l'horizon 2012. Ce plan s'appuie sur quatre priorites: permettre a l'ensemble des francais d'acceder aux reseaux et aux services numeriques; developper la production et l'offre de contenus numeriques; accroitre et a diversifier les usages et les services numeriques dans les entreprises, les administrations et chez les particuliers; et enfin, renover la gouvernance et l'ecosysteme de l'economie numerique.

Pour favoriser le developpement de l'administration numerique, le plan France numerique 2012 prevoit notamment une premiere action a destination des agents publics puisqu'il encourage le teletravail dans le secteur publicen rappelant que ce mode de travail, pourtant peu utilise, favorise la flexibilite des salaries, reduit les deplacements domicile/travail et donc l'empreinte carbone et allege les charges de structure.

Une seconde action visant a ameliorer les politiques publiques grace au numerique est tournee vers les usagers. Pour ce faire, plusieurs perspectives sont envisagees et notamment, l'amelioration du service aux usagers passe par la mise en place d'une e-justice destinee a en faciliter son acces, grace au deploiement des TIC en matiere de service de sante et de bien-etre ou encore par une dematerialisation des procedures de bout en bout. Il est ainsi souligne la necessite de faciliter l'acces aux services de l'usager et d'assurer l'accessibilite des sites de l'administration.

La troisieme action pour permettre le passage a une administration numerique est tournee vers l'administration elle-meme. L'objectif est alors de contribuer a l'optimisation de son fonctionnement. Cette troisieme action est essentielle car elle conditionne le bon deroulement du processus de numerisation de l'administration. Autrement dit, sans ces actions, il n'est pas possible d'envisager une administration electronique moderne. La mise en place d'une administration electronique suppose bien entendu de prevoir et d'assurer l'archivage electronique des donnees et des documents numeriques qui ne vont cesser de se developper avec l'administration numerique. La mise en place d'une administration electronique implique en outre d'assurer l'interoperabilite entre les administrations. Enfin, il est necessaire de readapter l'Etat et de tourner son action vers les enjeux du numerique.

Enfin, la mise en place d'une administration electronique repose sur une confiance numerique. La quatrieme action consiste donc a mettre en place les outils necessaires pour assurer la confiance dans l'utilisation des services de l'administration numerique.

Il est certes interessant d'avoir etudie ces differents plans mais il est encore plus fondamental de se demander quelle en a ete leur portee au final. Or, en la matiere, il apparait que si la France a accuse un certain retard pendant de nombreuses annees dans la mise en oeuvre d'une administration electronique, elle a su devenir un pays pionnier en la matiere sous l'impulsion de ces plans successifs. Cette demarche particulierement volontaire s'est donc revelee benefique puisque la France qui etait classee en 2003 a la vingt-cinquieme place des pays les plus avances en matiere d'e-administration, a progresse par la suite pour passer a la vingt-quatrieme place en 2004, puis a la vingt-troisieme place en 2005. Les reformes menees n'ont cependant commence veritablement a porter leurs fruits qu'ulterieurement puisqu'en 2007, la France figurait au dixieme rang d'une etude menee sur trente et un pays pour mesurer le nombre et le degre d'interactivite des services publics en ligne. Surtout, l'OCDE placait la France en huitieme position concernant l'indice d'adaptation a l'administration electronique en 2008.

Des progres restent cependant a faire pour inciter les usagers a recourir aux services publics en ligne alors meme que les Francais sont relativement bien equipes. En effet, les entreprises ont eu acces en 2009 a 97% a Internet et a 93% a une connexion a bande large et ont recu pour 12% d'entre elles des ordres en ligne au cours de l'annee precedente. Quant aux menages, ils etaient, en 2010, 74% a disposer d'un acces a Internet et 64% a avoir un acces a une connexion a bande large. En outre, 75% des personnes utilisaient Internet au moins une fois par semaine et 42% avaient au cours des trois derniers mois achete ou commande en ligne. Pourtant seules 77% des entreprises utilisaient en 2009 Internet pour obtenir des informations administratives, 68% pour telecharger des formulaires et 67% pour retourner des formulaires remplis. Les menages, quant a eux, etaient, en 2010, 29,7% a utiliser Internet pour obtenir des informations administratives, 21,9% pour telecharger des formulaires et 16,7% pour retourner des formulaires remplis aux services des administrations publiques.

Aujourd'hui, il semble que l'enjeu de la reforme de l'administration numerique se situe au niveau local. L'Etat continue son processus de modernisation mais comme explique precedemment, les collectivites territoriales s'impliquent egalement desormais fortement dans cette reforme de l'administration numerique, ce qui est indispensable car la France est un Etat certes unitaire mais decentralise. Les nombreuses competences octroyees aux collectivites territoriales impliquent donc que celles-ci soient desormais des acteurs a part entiere de la revolution numerique. Pour illustrer cette evolution, il est possible de citer, outre les exemples de plate-formes regionales evoquees precedemment, le cas des villes comme Rennes ou Paris qui, a l'instar nombreuses villes a l'etranger, ont mis en place une politique d'open data, ou encore la situation de la ville de Clermont-Ferrand qui utilise l'analyse predictive pour optimiser la gestion de ses services publics. Par ces actions, ces collectivites territoriales participent a la mise en oeuvre d'une ville intelligente et rejoignent par-la les nombreuses collectivites d'autres pays qui ont compris l'interet du numerique pour le developpement local (Etats-Unis, Canada, Pays scandinaves, Espagne...).

 


Дата добавления: 2018-09-23; просмотров: 212; Мы поможем в написании вашей работы!

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